Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au Sommet du Chateau d'Eau
Au Sommet du Chateau d'Eau
Publicité
Au Sommet du Chateau d'Eau
3 novembre 2007

Rouge Cardinal

le ciel est rouge, et de fracassants éclairs vermillons tombent partout à l'horizon. La lueur baigne les prés tout autour de chez moi, et les arbres s'enflamment, les uns aprés les autres.
La chaleur est devenue insupportable.
Katrina est couchée, la couverture relevée sur son épaule. Assis sur le rebord de la fenêtre, de biais, je ne vois que son cou et ses cheveux, brillants des reflets cuivrés de l'apocalypse au dehors.
Je me passe la main sur le visage, et regarde ma paume. J'ai perdu l'auriculaire et l'annulaire de la main droite, et je dois porter un gant pour cacher ce qui n'est plus là. C'est absurde.
Le vent chaud monte jusqu'a mon visage, et je dois me retenir de ne pas basculer sur le plancher.
De vastes champs à pertes de vue. J'ai l'image d'autres pays, de pays où la neige coule sur les routes et de gigantesques plaques de verglas font glisser hommes et animaux jusqu'a de gigantesques cuves naturelles gelées. On est toujours mieux ailleurs.
Je ne les envie pas, mais je voudrais offrir à Katrina une meilleure vie. Quand est-ce que son esprit ne pourra plus supporter le décor environnant, je ne sais pas. Nous n'avons pas encore perdu la raison car nous nous aimons, mais cela ne durera pas. Les montagnes s'effondrent l'une aprés l'autre dans de gigantesques bourbiers infectés de pestes et de germes. Nous tomberons aussi.
Je ne peux qu'espérer que la mort vienne nous chercher en main propre avant qu'ils ne nous tombent dessus. Ils vivent au delà des plaines, sous les éclairs. Ils sont forts, ils sont fous. Et ils étaient humains.
Désormais ce ne sont plus que des prototypes d'une nouvelle race ne connaissant aucun sentiment, aucune pitié. L'invasion dominée par une intelligence supérieure inconnue, peut être inexistante.
Je les entends dans les murs.
Je les entends au plafond.
Je les entends sous mes pieds.
Katrina ne doit pas savoir qu'ils sont là.
Ils essayent de me rendre fou, de m'avoir à l'usure, mais je ne me laisserai pas faire.
Katrina est jeune. Katrina est fragile. Seul le fait de penser à l'un de leurs doigts touchant sa peau vulnérable suffit à me faire hurler,tapi dans un des coins de la piéce, veillant sur elle.
Mais je ne fais aucun bruit. J'ai appris à hurler en silence, la tête enfouie dans mes mains.
Je ne veux pas qu'elle s'inquiéte pour moi. Il faut d'abord qu'elle s'occupe d'elle même, qu'elle reste jeune et belle.
Tous les jours je lui fais boire de l'eau filtrée. Et quelque fois, Katrina se léve, et me prend dans ses bras.
Je me permets alors de relâcher ma garde quelques instants. Mais je ne peux pas m'abandonner. Ils n'attendent que ça. Je n'ai pas dormi depuis une éternité.
Leurs mains grattent quelquefois le rebord de la fenêtre. Je saisis alors prestement un couteau et je leur tranche les doigts, un de plus pour chaque souffrance infligée à mon pauvre esprit déjà malade.
Mais je ne peux pas devenir malade. Pas tant que Katrina est là. Elle ne doit rien voir, rien deviner.
Ma propre souffrance m'aide à me préserver de la folie. Un doigt, puis l'autre. Un troisiéme viendra bientôt.
Mais un beau jour, je n'en aurai plus suffisament. Je dois toujours garder à l'esprit, toujours me souvenir que j'ai besoin de ma main encore valide pour me mutiler.
D'abord les doigts, puis les orteils. Je ne marche plus beaucoup. Et je n'ai pas l'intention de fuir.
Là bas les choses nous guettent, et elles sont bien plus rapides que Katrina et moi. Elles volent, rampent, courent plus vite que le vent. Elles écorchent et boivent le sang.
Je ramperai alors jusqu'au reservoir pour filtrer de l'eau.
Il ne faut pas que ce moment arrive. Je ne peux pas demander à Katrina de me trancher un doigt.
Je dois tenir le plus longtemps possible. Les murs sont recouverts de marques indiquant les jours.
Je n'arrive pas à les compter, elles sont si nombreuses. Je ne sais plus compter. Cela ne sert plus à rien. je me contente de protéger Katrina. Le soleil rouge et les éclairs tombent au loin, brûlent l'herbe et l'eau.

Elle est partie. Katrina a disparu. Ma main gauche n'a plus de doigts. Je n'ai plus besoin de gants désormais.
Je n'ai plus qu'une seule chose à faire.
Je prends le couteau dans ma main droite.
Je ferme la fenêtre.
Je transperce un de mes yeux.
je hurle en silence.
J'ouvre la porte.
Je pars à sa recherche.

Mon oeil droit est douloureux. Avec ma main, je remplis une outre d'eau. Katrina doit avoir soif. L'eau est devenue rouge, et goutte le long du réservoir.
Elle goutte du plafond, des placards. Le sol prend une teinte carmin.
La maison entiére coule sur elle même. Le sang m'arrive désormais aux chevilles.
Je les entends se moquer, derriére les cloisons. Ils veulent me noyer dans leur propre sang.
Mon oeil n'est plus douloureux. Je plante le couteau dans mon épaule gauche, et je me dirige vers la porte d'entrée.
Je sais qu'ils sont des dizaines dehors. Je sais que Katrina est certainement déjà morte, et les larmes me montent à l'oeil à cette pensée. Des larmes rouges. Fini le rouge du désespoir. Fini le rouge du sang.
Ce rouge à le goût de la colére.
Ils l'ont enlevé en passant au travers des murs, en volant au dessus de ma tête, en creusant le plancher et en ricanant silencieusement.
"Maman, je sors. J'ai des choses à faire."
le mur piailla et s'affaissa.
J'ouvris la porte, le couteau couvert de sang entre les dents.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité